154km - 17543km

7h00 Réveil
Au réveil, la pluie de sa petite musique monotone, rit. Elle nous regarde de dehors à travers la fenêtre, Christian peut nettement distinguer son sourire. Elle pourrait être belle dans son long manteau brumeux. Elle pourrait être bonne en effaçant de son voile cette poussière écœurante. Elle pourrait être généreuse d'offrir son eau à cette terre si belle. Mais... Elle sait que la journée va être longue, très longue. Aux aguets, elle attend le véhicule imprudent. Sournoise et vicieuse elle tend des pièges ici et là. Certains sont grossiers, limite insultants pour le chauffeur, mais souvent c'est pour mieux camoufler le suivant.

9h43 15° out 21° in.

Arrivée à Bogd à 12h55

La route jaune sur la carte est infernale 7km/h. Zone de marécage à traverser. On ne voit que deux bandes parallèles d'eau séparée par une bande de terre. Mais on passe lentement, avec quelques angoisses. Christian s'agrippe à la poignée et comme on dit chez nous 'serre les fesses'. Il évite de penser aux conséquences si on restait bloqués.
13h53 Fin des marécages

14h20 150m de flotte à franchir. MC se lance, Christian dit à Jeannot d'attendre qu'il sorte avant d'y aller à notre tour. Jeannot n'écoutant que sa petite voix intérieure se lance lorsque MC est à mi-parcours. L'inévitable devient une évidence : on est bloqués dans la boue, MC juste devant nous aussi. De plus en essayant vainement de se sortir de là les ornières se sont considérablement creusées. Le pont avant touche. On est coincés. MC essaient de sortir. Avec leurs pelles on essaie de casser les ornières qui empêchent de sortir mais c'est un échec. Leur véhicule inexorablement se remet dans les rails. Il ne peut pas reculer car notre voiture est juste derrière lui.
Faut la dégager...
On met le cric sur une plaque d'enlisement pour lever la roue avant et glisser en dessous une autre plaque. On fait ça pour chaque roue avant. Bien sûr il faut creuser à la pelle pour enlever le max de glaise qui colle comme une sangsue géante.. On y parvient tant bien que mal. La voiture recule cette fois mais finit par se bloquer définitivement malgré plusieurs tentatives.
MC pour se sortir de là tente le tout pour le tout et, à la Loeb, finit par passer assez facilement faut le reconnaitre, trop fort notre Michou...
Puis, tel un kamikaze, revient vers nous dans la trace d'à côté moins profonde, pour essayer de nous tirer par l'arrière.
Cette fois c'est sous les roues de MC que l'on place les plaques pour qu'il puisse prendre de l'élan et avoir d'avantage d'adhérence pour nous tirer. Ça fonctionne mais il faut répéter la manœuvre : reprendre les plaques et les remettre devant les roues arrière de MC. Gros couac...
Une plaque se coince entre les lames d'amortisseur et le pneu de notre 4x4. On craint pour la survie du pneu. Il faut lever la voiture avec le cric pour dégager la plaque. L'eau monte et commence à ruisseler. Finalement après une dernière tentative Michel patine sur les plaques en tirant Jeannot qui lui reste définitivement scotché, au sens propre du terme, en travers des ornières. L’arrière est presque sortie d’affaire, mais la voiture repose sur le pont avant. La flotte arrive au marchepied et j'ai de l'eau juste en dessous du genou au fond des ornières.

18h10 On abandonne.

Presque 4h d'effort très intense sous la pluie battante pour rien sinon une belle expérience qui n'est pas finie et peut être une pneumonie comme cerise sur le gâteau. On est trempés. L'avantage c'est qu'on a toute l'eau nécessaire pour laver nos affaires pleines de boue. Certes l'eau est très boueuse mais reste forte utile.
19h05 On décide de dormir sur place, comme si nous avions un autre choix. A ces humains si fiers... MC nous invite dans leur home-royal pour l'apéro et un repas salvateur. MC nous reçoivent comme des rois, nous les pestifères trempés et boueux, les gogueneux SDF, les parias de la piste boueuse. Rinçage des pieds avec leur douchette et eau chaude dans leur salle de bains en marbre. ;o)
On prend l'apéro. On mange. Et vers 22h00 on rentre pied nue et en slip vers notre voiture en travers à moitié dans la flotte.

22h41 On est dans la voiture prêts à passer la nuit.

Lundi 6 Août 2012

0km - 17543km

8h13 On se réveille tranquillement dans la voiture sous une pluie battante intense. La pluie avait cessé hier soir et dans la nuit. Cela fait bien 6h qu'il pleut maintenant.
On ne sait quoi faire. A l'horizon tout est gris. 360 degré de gris. Non pas 360 teintes de gris mais où que l'on regarde c'est gris. L'eau pourtant dans les rigoles a baissé. Quelle logique tirer de cela ?
10h07 On est toujours dans la voiture. Il pleut toujours et l'eau a remonté dans les rigoles.15° out 18° in.
Que faire ?

11h50 La pluie cesse enfin

Les petits de la veille nous apportent du fromage.
On joue à la pétanque grâce au jeu de MC.
On essaie d'apprendre à jouer aux enfants. Ils se débrouillent pas si mal.
Deux petits vans typiques d'ici (genre WW mini bus, gris, 4x4, surélevés qui sont de fabrication russe) arrivent vers nous en sens inverse, donc par la sortie du champ de boue pour nous. Le premier véhicule se lance, fait des travers pas possibles mais toujours maitrisés par le chauffeur mongol. Il passe sans trop de problème et s'arrête à coté de nous pour regarder le deuxième qui se lance à son tour.
C'est une expédition scientifique russe et mongole sur l'étude des animaux aquatiques.
Le deuxième véhicule assez rapidement s'immobilise. Les deux russes du premier tombent les chaussures, l'un d'eux garde ses chaussettes, prennent la pelle et se dirigent vers le deuxième véhicule embourbé. MC (=Michel et Chantal), toujours l'esprit vif, négocient poliment l'entraide mutuelle ou tout le monde est gagnant. Ils sont d'accord, alors au boulot...
Le deuxième véhicule fait descendre dans la boue ses passagers et repart pour finalement passer. Ils nous aident quand même sans la moindre hésitation. Michel plus expérimenté prend le volant. On est bien 7 ou 8 à patauger dans la boue pour pousser la voiture. Les deux russes sont ultra efficaces. Ils dirigent les opérations sous les commandes du chauffeur mongol. A l'aide des plaques ils sortent la voiture. Plusieurs d'entre nous sont couverts de boue dû aux gerbes gigantesques que faisaient les roues sur le côté. Christian a presque réussi à éviter la position de pousseur près des roues sauf une fois. Une longue et très belle ligne de boue de la ceinture à la tête décore son tee-shirt, ça fait virile mais c'est pas terrible quand on n’a pas de douche. Certain moins chanceux ont deux ou trois lignes de boue de la tête au pied. Jeannot, lui, sur le côté de la voiture, a glissé et failli passer sous les roues.
Mais tout est bien qui finit bien. La voiture est sortie d'affaire et on leur offre des bières bien méritées.

Christian installe sa tente alors qu'il fait nuit, Jeannot va dormir dans la voiture.
On est content d'être sortis de là, demain on reprend la route. On est resté bloque 25h.

23h04 Au lit